Coup de gueule

Politique écologique vs politique automobile, une bataille rangée sans vainqueur possible ?

ecologie suv auto

Tous les coups semblent être permis quand il s’agit de mesures écologiques visant à atteindre les objectifs définis par la COP21, l’Europe et la politique nationale, voire locale. Dans cette « battle royale », les alliances se font et se défont, mais un constat est clair, plutôt que de se faire en douceur, la transition semble s’imposer dans le sang et les larmes. Une déclaration de guerre qui n’est pas sans conséquence dans le quotidien des automobilistes, mais aussi pour toute la filière industrielle automobile.

Si l’épidémie de COVID a été un coup dur pour la filière (et toute l’économie mondiale bien entendu), d’autres décisions politiques pourraient bien finir d’achever le travail en France. Quand en plus on ajoute un activisme pseudo écologique à tout cela, on arrive à des situations inextricables.

Le SUV, la nouvelle bête noire

Je ne suis pourtant pas une des fans du genre (si vous êtes un lecteur régulier vous le savez déjà, mais pour ceux de passage cela méritait une redite), et je ne m’en suis jamais cachée. Comme d’ailleurs de nombreux confrères journalistes, les SUV, on ne les porte pas vraiment dans nos coeurs, mais c’est ce que la clientèle finale achète (notamment à cause de la multiplication des ralentisseurs), donc c’est ce qui s’impose également dans notre quotidien. On ne fantasmait pas plus sur les monospaces en même temps.

Mais quand le militantisme écologique décide que le SUV est la nouvelle plaie du monde, on a de quoi se montrer sceptique. Alors que sous le terme de SUV, on retrouve pourtant des modèles qui sont vraiment pas plus gros ou plus lourd qu’une berline, plus haut certes, mais pour le reste c’est de plus en plus discutable, car il y a de moins en moins de « Panzer » en tête d’affiche des constructeurs (même allemands). Comme pour leur lutte contre les véhicules à moteur thermique, le SUV se voit chargé de tous les maux possibles. Prenant des brides d’informations et d’études allant dans leur sens, pour monter de toute pièce une théorie, enfin une argumentation, qui prouve qu’ils ont raison d’agir ainsi. Le pire, c’est que les politiques laissent faire, et s’appuient même sur ces éléments de langage pour justifier certains choix économiques sous couvert d’écologie (comme le fameux « malus poids » à venir).

suv vs citadine

Ce que « La Ronce » ou « Extinction Rébellion » ont commencé à faire en visant les SUV comme pollueur de nos villes et d’ennemies de l’écologie, n’est pas vraiment nouveau, cette chasse au SUV a été initiée par Greenpeace. C’est d’ailleurs le dernier salon automobile de Francfort (on a l’impression d’un temps passé lointain) qui avait été le théâtre de ces mouvements contre les SUV, sorte de suite logique au mouvement initié par le dieselgate (relire : #iaa2019 : les écologistes perturbent le salon automobile de Francfort). Mais à la différence des groupes extrémistes français, plus proche de mouvements anarchistes qu’écologiques, Greenpeace appelait à une prise de conscience collective, non à la dégradation du bien d’autrui.

On s’attaque aux « SUV » avant même de se préoccuper des milliers de camionnettes diesel qui maillent le territoire et nos villes pour livrer les commandes passées sur Internet. Comme s’il fallait absolument culpabiliser la mère de famille urbaine roulant en Captur qui dépose les enfants à l’école avant d’aller au boulot à 20 km de chez elle, elle, se révélant depuis quelques temps source d’une pollution indicible, parce qu’elle ose ne pas faire ce même trajet à vélo (relire : Dans la guerre cyclo vs auto nous serons tous perdant …).

Mais qu’en est-il de la mère de famille campagnarde qui roule en Duster pour le même trajet, bah en fait, on s’en contrebalance, parce que cette haine du SUV a pour terreau la ville. Comme bien souvent, c’est les conflits entre gens des villes qui s’imposent finalement à toute la population française. On pourrait dire qu’il en va de même avec l’électrification massive des véhicules forcée par l’activation des ZFE, mais ce problème relève finalement plus de la politique internationale, et avec des conséquences encore plus catastrophiques à venir.

ecologie suv auto

La question que l’on peut donc légitimement se poser est : est-ce qu’un SUV électrique est ennemi ou pas de ces groupes écologistes ? Oui, non, peut-être … enfin ça ça dépend du sens du vent ce jour-là … De toute façon l’automobile est l’ennemie quoiqu’il arrive, sauf quand ça peut leur être utile : autopartage, locations pour les vacances ou autre … ça c’est l’écologie du « faites ce que je dis, mais pas ce que je fais », tendance très répandue autrement appelée « hypocrisie » ou « politique ».

Théorie de l’effet papillon : du PLF 2021 (projet de loi de finances) jusqu’aux amendes des quotas CO2 européens

Une chose qui continuera probablement à me subjuguer longtemps, c’est que les politiques (au sens très large du terme) prennent des décisions et finissent souvent par rétropédaler (ou mettre des rustines) quand ils se rendent compte des conséquences que leur décision a entraîné, comme si l’anticipation était une science obscure qui leur était complètement abstraite.

En France, ces dernières semaines ont même été un florilège du genre :

  • Augmentation des taxes sur le SP95-E10, puis non, car finalement cela allait gêner la disparition souhaitée du SP95 pur dans les stations services, plus polluant que la version avec éthanol.
  • Malus au poids qui devait débuter à partir de 1400 kg sur tous les véhicules. Sauf que donner un bonus pour les véhicules électriques, pour le reprendre juste après, ce n’était probablement pas le bon signal. Du coup, on garderait un malus au poids mais pour les véhicules non électrifiés et avec des exceptions pour les véhicules 7 places (tiens quelque chose me dit qu’il va bientôt se vendre plus de variantes 7 places que 5 places… un peu à la façon des pick-up).
  • On veut réduire la place de l’automobile, mais les politiques sont vent debout quand une usine de la filière auto veut (ou doit) se séparer de ses salariés, exemple de Bridgestone (mais ça va être la même chose avec Renault, Faurecia, …)
  • J’ai même vu sur Twitter un politique EELV aller soutenir les salariés d’une raffinerie Total qui risquent de perdre leur emploi, parce que le site n’entre plus dans la stratégie de verdissement du groupe pétrolier.
  • On veut à tous prix favoriser la transition vers des véhicules électrifiés, mais on est incapable de trouver la solution pour créer un maillage de recharge publique et/ou privé cohérent et surtout de l’entretenir (relire : Bornes / VE ou le paradoxe de “l’oeuf ou la poule” appliqué à la mobilité électrifiée ), ce qui va finir par réellement poser un problème pour continuer à vendre des VE et PHEV.
  • L’hydrogène est un jour une solution d’avenir, et le lendemain une voie sans issue. Un peu comme la production nucléaire d’électricité (merci encore aux écologistes).

Derrière ces décisions inconstantes, on a une industrie qui ne peut pas changer de cap au gré des vents d’humeur politique, une industrie qui est un berceau d’emplois crucial en France. La filière a besoin d’objectifs et d’échéances cohérentes, hélas pour eux, cela fait quelques années qu’en plus d’objectifs difficilement atteignables (notamment les quotas d’émission de CO2 enregistrés pour les ventes) au niveau européen, les politiques nationales viennent en plus en rajouter une couche avec des décisions drastiques et farfelues qui tombent toujours en dernière minute (comme le malus de l’année à venir du PLF 2021). Comme si alléger une gamme de véhicules de plusieurs dizaines/centaines de kilos ou changer les motorisations se faisaient sur 3 mois juste pour la France, à croire que les constructeurs internationaux allaient s’adapter uniquement aux règles imposées par petit marché qu’est la France (non nous ne sommes pas la Chine ou les US), alors que leur clientèle est internationale.

Visite usine Skoda Mlada Bolestav

Comme chaque année, je me pencherai sur la question du malus 2021 dans un article dédié, mais une chose est déjà certaine, le maintien du volume des ventes, et donc du renouvellement du parc automobile, ne pourra tenir que sous perfusion des aides complémentaires à l’achat, sans cela les ventes vont forcément baisser et cela ne sera pas que la conséquence de l’épidémie mondiale en cours (qui aura bon dos ceci dit). A force d’augmenter le montant des malus en abaissant les seuils de déclenchement, on va finir par avoir une politique contre-productive, le parc automobile français va continuer à vieillir sans que les acheteurs (en dehors de ceux engagés sur des formules de location) ne puissent le renouveler avec des modèles neufs, autant d’argent de taxes qui ne rentreront pas dans les caisses de l’état.

Au niveau national, on voit déjà bien les impacts sur le catalogue des constructeurs :

  • exit une partie des plus petits modèles citadins, trop difficile à faire rentrer dans les normes d’émissions CO2 exigées vu les faibles marges générées
  • exit les petites sportives, et moins petites, non-électrifiées à cause du malus
  • on peut même se demander si certaines marques comme Abarth, ne vont pas jeter l’éponge en France à cause du malus, rendant invendables les modèles de la marque.

Au niveau international, on assiste aussi à des tractations pour des alliances de « quotas CO2 », avec pour objectif d’éviter les lourdes amendes imposées par l’Europe aux constructeurs. L’alliance FCA / Tesla avait fait couler beaucoup d’encre, mais finalement tous ou presque ont opté pour des manœuvres similaires. Pour éviter de lourdes amendes qui pourraient finir d’achever le groupe, Volkswagen est carrément en train de vendre les joyaux de la couronne, Bugatti ayant apparemment selon les rumeurs déjà été cédées à Rimac, mais d’autres comme Lamborghini chercherait encore preneur (du cadeau empoisonné avec ses moteurs atmosphériques explosant les émissions CO2).

co2 malus 2020

Alors que l’Europe disposait d’un savoir-faire envié dans le monde entier pour ses modèles automobiles de luxe, c’est ce même luxe qui pourrait mener à leur perte plus d’un groupe automobile européen. Voilà comme l’Europe et sa politique écologique, nous fait marcher sur la tête, voire scie carrément la branche sur laquelle ils sont assis.

Et si l’écologie n’était pas que punitive et restrictive ?

Qu’est-ce qu’il y a de pire finalement que cette vague verte qui punit sans avoir pris le temps d’éduquer et concilier. Je ne suis pas contre adopter des bons gestes écologiques (j’essaie petit à petit de le faire au quotidien, et je pense qu’on est nombreux dans ce cas), mais encore faut-il que cela se fasse en accompagnant au changement, et non pas en sortant le bâton à tout-va ! On le voit bien en plus, la carotte (comme les aides à l’achat pour les VE) est efficace.

évolution contre nature
  • Si automobile et vélo étaient complémentaires, et pas opposés ?
  • Si véhicules électriques et thermiques pouvaient continuer à satisfaire tout le monde en progressant ensemble sur des technologies plus propres pour le bien de tous ?
  • Si on arrêtait d’écouter que les écologistes des villes, mais qu’on redonnait du sens à la décentralisation en redorant un peu l’image des campagnes ?
  • Si on se laissait le temps pour faire évoluer les choses en les faisant bien ? Plutôt que d’opter pour le vite fait mal fait.
  • Si on arrêtait d’avoir une vision macro des choses et que l’on prenait un peu de recul pour une harmonisation plus globale ?

On a le droit de rêver un peu, non ? Je crois que c’est la seule chose qui est encore gratuite et autorisée… Plus sérieusement, j’ai du mal à comprendre comment on peut sanctionner la voiture individuelle ou l’avion, quand d’un autre côté on envoie encore nos déchets à l’autre bout de la planète par bateaux pour finir dans des décharges sauvages ou que l’on ne maîtrise pas les impacts des mines. Il y a sûrement bien plus à faire pour la planète en replantant des forêts, en évitant l’industrie agro-alimentaire abusive et destructrice des sols ou le bétonnage à tout-va… le tout en accompagnant la R&D pour améliorer les voitures. Apparemment, ma solution n’est pas financièrement rentable, quelle surprise !

A propos de l'auteur

Portrait Miss280ch 350z

Raphaelle

Avoir des chromosomes XX n'empêche pas d'apprécier les voitures et les belles mécaniques, bien au contraire. Je pense même que cela permet d'apporter un regard différent sur le secteur automobile, sans pour autant devoir se limiter à commenter la palette des couleurs des citadines.

J'ai grandi baignée dans l'univers automobile, je me suis fait plaisir avec des sportives raisonnables, j'ai passé des heures voire des week-ends au sein de clubs automobiles. Depuis maintenant plus de 7 ans, j'édite seule le site Miss280ch. Entre coups de coeur et coups de gueule, je m'exprime souvent sans langue de bois, mais toujours avec humour et honnêteté.

Basée en Alsace, je profite de l'Autobahn illimité pour taquiner les VMax des voitures ou des Vosges pour tester les châssis ... ce terrain de jeu est parfait.

2 commentaires

  • Parlons de Greenpeace : https://www.greenpeace.fr/la-pollution-numerique/
    Pourquoi se focaliser toujours sur la voiture… les smartphone et autres écrans plats polluent énormément, les avions utilisés par le mondialisme et le tourisme aussi, les emballages et capsules en aluminium de café aussi, les pubs systématiques sur youtube et autres qui consomment énormément de puissance de calcul et donc de courant, les pubs à la TV qui allongent la durée de visionnage et donc font consommer de l’électricité, la liste est tellement longue que cela montre à quel point l’obsession de s’en prendre toujours et uniquement aux automobiles sportives devient idéologique et tourne au harcèlement !

  • Bravo Raphaëlle,

    Je déplorais naguère la faible activité de votre blog.
    Vous nous gratifiez aujourd’hui d’un excellent travail de synthèse !

    Je fais suivre…

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