Coup de gueule

Pourquoi Tesla est autant polémique ? Un point avec le récap’ des dernières actus

Tesla Model Y long range

Pourquoi pense-t-on que les médias ne cherchent qu’à discréditer la marque ? En fait, les actualités prises indépendamment les unes des autres donnent autant d’informations positives que de négatives. Sauf que le négatif est ce qui fait le plus réagir, et donc devient le plus visible.

Dans cet article de blog, je vais faire une sorte de capture, à l’instant T, de ce qu’il se passe autour de Tesla, avec quelques commentaires. Les news sont tellement éclatées que je pense que certains n’ont pas une vision globale de ce qui se trame et de pourquoi on est éventuellement « méchants » avec Tesla. Alors, je me suis dit que j’allais tenter de faire un (long) condensé. (nda: qui n’est même pas encore suffisamment exhaustif)

Avant d’aller plus loin, je vais remettre un peu de contexte. J’ai commencé à parler de Tesla sur ce blog en 2013, j’ai ainsi pas mal suivi les grandes étapes de croissance de la marque. Depuis quelques mois, j’ai délaissé ce blog, car je suis maintenant devenue journaliste. Je suis passée dans le camp des « méchants », ceux qui veulent du mal à Tesla, selon certains. En fait, je ne vais même pas dire le contraire, parce que c’est partiellement vrai. De la petite startup à qui l’on pardonnait les approximations, voire que l’on soutenait inconditionnellement, Tesla est devenu un important constructeur qui donne des leçons aux autres. Une marque pour laquelle on est devenu tout aussi exigeant que pour les autres. J’aime souvent défier sur les réseaux ceux qui m’accusent de faire du « Tesla Bashing » de trouver une marque que j’épargnerais. Bonne chance, car techniquement, je n’ai aucun chouchou, tous les groupes sont logés à la même enseigne, en gros tous ont une raison (ou plusieurs) de me détester.

Tesla Model S P90D dans le vignoble allemand
Premier emprunt en parc presse de la Tesla Model S en 2016

Les médias ne parlent jamais du positif de Tesla ?

C’est faux. Les essais de la nouvelle Model S Plaid ont tous été dithyrambiques. Dans l’ensemble, tous les essais de la gamme Tesla sont positifs, même si des critiques sont émises sur certains points.

Tesla est toujours le mètre étalon de comparaison des autres modèles : pour l’autonomie, pour les prix, pour la technologie. Si la marque était détestée, pourquoi garderait-on Tesla comme élément de référence pour dire que les autres marques sont globalement à la traîne ? Ou alors, arrivent justement enfin à la hauteur de la marque américaine. Cela n’a aucun sens.

La baisse des prix du mois de janvier a été aussi un flot d’articles positifs dans l’ensemble. Bref, quand Tesla fait des choses bien, les articles sur la marque sont positifs, mais bizarrement personne ne s’en souvient.

Quand il y a du positif, on parle en bien de Tesla. Quand ils font des conneries, on le dit aussi. C’est la différence entre le fait d’avoir du recul sur un sujet et les fans inconditionnels prêt à toutes les pirouettes pour défendre l’inexcusable. Sachant que l’on peut posséder une Tesla, et émettre des critiques aussi, je ne mets pas tout le monde dans le même panier.

Que se passe-t-il en ce moment qui met Tesla dans une position un peu tricky ?

En fait, Tesla a grandi très vite après avoir eu des débuts compliqués. Cela impose une forme de respect. Mais ce respect s’arrête en partie quand on découvre ce que son dirigeant est capable de faire : mentir, manipuler, martyriser, etc. C’est autant un génie qu’un patron toxique. Sauf que ce qui passait discrètement dans une petite boite de quelques centaines d’employés, ne passent plus aussi facilement quand on pense être le meilleur constructeur automobile du monde entier. Ce n’est pas la faute des journalistes, celui qui a toujours voulu se faire plus gros que le bœuf, c’est Elon.

Concrètement, on ne traite même pas la moitié des sujets (négatifs) impliquant Tesla. Il y a trop de plaintes sur divers sujets : problèmes de racisme, de licenciements abusifs, de mauvais traitements. Ça, c’est pour la partie ressource humaine, mais il y a aussi toutes les plaintes pour non-respect des normes et législations en vigueur, ou de publicités mensongères, sur laquelle la marque s’assied toujours dessus. N’oublions non plus pas toutes les manipulations financières/boursières, c’est une des spécialités d’Elon, et il continue malgré les risques encourus. Quant au service après-vente et aux mises à jour à distance, il y a aussi fort à dire encore au niveau international. Volontairement, j’exclus aussi les « rappels » du panorama, des informations que l’on ne traite que quand c’est « massif », sinon il y aurait, a minima, 1 news par semaine sur le sujet. Donc, même si les voitures sont ce qu’il se fait de mieux, on ne peut pas omettre le reste de l’environnement Tesla.

Des promesses et des mensonges

J’aurais pu aborder les promesses autour du Cybertruck, ou même autour du Roadster, mais on va mettre de côté ce qui est en cours de développement et en retard.

Vous vous souvenez de ces premières vidéos complètement « mind blowing » pour la conduite autonome des Tesla ? C’était de la fiction (enfin un vrai mensonge pour le coup), et ça l’est en fait toujours plus de 6 ans plus tard :

https://www.numerama.com/vroom/1243404-tesla-a-triche-des-sa-premiere-video-vantant-lautopilot-fsd.html

La conduite dite « Full Self-Driving » a bien sûr déjà beaucoup évolué, mais reste une bêta sur route ouverte avec des comportements particulièrement imprévisibles. Parce que, ce que la voiture assurait lors d’une mise à jour précédente, est souvent remis en cause par la suivante. Ce sont les clients Tesla qui ont payé pour cette « chère » option qui servent de bêta-testeurs aux USA.

Ne cherchez pas, c’est probablement la seule marque automobile à assumer de livrer des logiciels foireux à des clients pour « tester » et corriger ensuite. Rappelons qu’une voiture de 2 tonnes n’est pas un jouet, on ne devrait pas faire du AB testing comme on le fait avec une mise à jour de smartphone. Après, toutes les marques corrigent au fur et à mesure les logiciels internes pour améliorer celui-ci, c’est un des avantages de nouvelles voitures électriques connectées, mais les constructeurs traditionnels ont des protocoles de tests plus stricts. C’est aussi pour ça que les autres voitures électriques n’ont pas de coussin péteur.

La polémique de la conduite autonome n’est pas tant que Tesla le fait sans respecter les règles. Mais rappelons que Tesla a supprimé Lidar et capteurs ultrasons, que seules les caméras servent à cette fonction. Ces mêmes caméras qui ne sont pas capables de garer les véhicules avec Tesla Vision dès lors qu’il pleut et que l’objectif est brouillé. C’est ballot.

La mauvaise blague Tesla Vision

Elon s’est levé un jour en se disant que les capteurs ultrasons utilisés pour les manœuvres de stationnement ne servaient à rien. Il les a donc supprimés sur les voitures produites en se disant que les caméras étaient suffisantes. Il a juste mis 6 mois pour livrer la brique logicielle pour que les voitures puissent utiliser les caméras pour mieux se garer (en attendant les clients devaient se démerder à l’ancienne).

Sauf que la première version du logiciel Tesla Vision est bancale. Elle marche, parfois, et dans certaines circonstances, pas si mal. Mais pas mal de tests ont révélé qu’il ne valait mieux pas s’y fier, si vous tenez à votre carrosserie et à vos proches, parce que littéralement, le système est capable de ne pas voir un humain se tenant derrière le véhicule. Problèmes de distance, de présence d’objet ou de personnes, il y a beaucoup d’éléments sur lequel Tesla Vision doit s’améliorer.

La révolution des batteries 4680 a pris du retard

Tesla a pu être en avance sur ses concurrents grâce à ses innovations techniques. La structure des véhicules en représente une grande part, mais la batterie est aussi un des éléments clés pour les performances et les tarifs. D’ailleurs, certaines de ces évolutions techniques, qui font baisser les coûts de production pour la marque, sont aussi au cœur d’autres polémiques (communes à plusieurs marques) sur la réparabilité des voitures électriques.

Là encore, Elon a fait de grandes promesses, mais le projet a pris un retard considérable. Certains me diront « mais Tesla fabrique déjà des 4680, qu’est-ce qu’elle raconte ? » C’est vrai, des batteries format 4680 sont produites, mais pas selon les spécificités et les performances annoncées par Elon en 2020. Le secret des 4680 repose sur l’enrobage des électrodes à sec de l’anode et de la cathode, une opération bien plus complexe à industrialiser qu’Elon a pu l’imaginer.

Tous les partenaires spécialistes des batteries ont été sollicités à la rescousse pour faire avancer la production des 4680, dont dépendent les futurs modèles.

Elon a la folie des grandeurs, mais pas forcément les clients

Il est assez impressionnant d’observer la manière, dont les capacités de production de Tesla ont augmenté de manière exponentielle. Stratégiquement, c’est pour une fois assez carré. Ce qui n’était pas forcément évident encore 3 ans en arrière.

Par contre, pour vendre beaucoup et partout dans le monde, il faut une gamme de véhicules variés. Or, pour le moment Tesla reste sur deux modèles de volume : Model 3 et Model Y, et deux modèles plus de niches : Model S et X. Cybertruck devrait venir en renfort des modèles de volume en 2024, enfin du moins quand son prix final sera connu, car il risque de coûter deux fois plus cher que les annonces à son lancement (35 000 €). Il se positionnerait du coup entre les deux catégories à son lancement. Parmi les millions de bons de commande en attentes, certains risquent d’être annulés par les acheteurs.

Le Model Y devient le best-seller des voitures en Europe en ce début d’année. Sauf que les ventes ne pourront continuer à croître pour atteindre les 50 % de croissance espérée par Elon, c’est beaucoup. Le Model Y va forcément atteindre un plafond de verre. Tesla doit sortir de nouveaux modèles pour atteindre ses objectifs de 20 millions véhicules par an dans quelques années. Fin 2023, la marque est censée produire entre 1,8 et 2 millions de véhicules, y aura-t-il pour autant 2 millions d’acheteurs ? Rien n’est moins sûr.

https://www.numerama.com/vroom/1325346-elon-musk-a-promis-50-de-croissance-pour-tesla-en-2023-mais-ca-demarre-mal.html

La baisse du mois de janvier avait pour objectif de remplir les lignes de production. Sauf que finalement le constructeur n’a qu’un mois de capacité de production d’avance, c’est trop peu. À moins de trouver de nouveaux clients sur de nouveaux marchés, Tesla n’aura que la baisse de prix comme argument. Ce qui va finir par s’essouffler aussi, tout en faisant grogner les investisseurs. Ce qui n’est jamais bon pour Tesla.

Les détournements des caméras des voitures

C’est le genre de dossier qui ne va pas améliorer l’image de Tesla. Elon Musk marque déjà souvent contre son camp, mais ce genre d’affaire, associé à tout le reste, ça commence à faire beaucoup.

Pour ceux qui n’ont pas suivi cette dernière enquête publiée par Reuters jeudi soir, les caméras des Tesla sont utilisées au-delà de l’étude de données considérée comme normale. Pire, des équipes ont accès aux caméras des véhicules et ont assisté à des scènes dont ils ont partagé des captures et des mèmes en interne pour se distraire. On parle d’avoir accès à distance aux caméras d’une voiture alors que celle-ci est garée dans un garage par exemple. Évitez donc de vous promener nu autour de votre Tesla, vous pourriez finir sur le chat interne des équipes avec un smiley aubergine ou pêche.

Pour comprendre ce qu’il se passe :

La boucherie des fins de trimestre

Enfin, il y a un dernier élément qui fait bondir tous les spécialistes de l’industrie automobile, c’est probablement la manière dont sont gérées les remises des véhicules (surtout en fin de trimestre). Entre la prise de rdv et les annulations qui ne tiennent pas compte des disponibilités des clients, et la réalité de ces journées-là, c’est glaçant.

Organiser des livraisons de 650 voitures, sur une journée, sur des parkings géants (parfois sous la pluie), comme les promos « gros volume » des supermarchés, on est un peu loin de la considération du client pour une voiture soi-disant premium (ou même access premium). Tout ça pour bien finir le trimestre, c’est un non-sens et un non-respect du client. On en regrette presque l’époque où le plus gros souci des clients était de savoir si leur tesla seraient livrée avec ou sans port USB.

Le plus surprenant dans tout ça, c’est que les clients l’acceptent de Tesla, cela fait partie du « package ». Alors que cela les scandaliserait de n’importe quel constructeur traditionnel. Là, j’avoue que ça me laissera toujours sans voix. Les clients en sont réduits à chercher eux-mêmes leur voiture au milieu de centaines d’autres (pas de chance si vous avez choisi un Model Y blanc), en faire le tour pour découvrir assez souvent des rayures et malfaçons (forcément, vu les volumes à décharger en si peu de temps, y a des couacs), et repartir avec une vague vérification qu’ils sont en règle et savent comment ça marche. C’est lunaire.

Si Tesla a une image sulfureuse, c’est parce que stratégiquement, ils choisissent de la conserver. Bad buzz ou pas, tout est bon pour qu’on parle d’eux et qu’ils soient au centre de l’attention. Dès qu’une autre marque émerge un peu sur une actualité du VE, il y aura forcément du Tesla très rapidement. Certains nous reprochent donc de surfer sur le négatif, mais la marque orchestre elle-même une partie de tout cela. Les fuites et les sorties d’Elon Musk sur Tesla sont rarement le fruit du hasard, sauf que tout ne se passe pas toujours comme prévu. Je pense même qu’Elon Musk se régale de l’image de « bad boy de l’automobile » qui colle à Tesla.

Les modèles de Tesla ont beau être de bonnes voitures, je trouve les différentes pilules un peu grosses à avaler. Je ne peux pas faire abstraction de tout cet environnement quand j’aborde le sujet de la marque. Je ne peux pas avoir des œillères et me marteler « waouh Tesla, ils sont trop beaux, trop forts,… cœur avec les mains », non, je ne peux pas, je ne suis pas programmée ainsi. Je ne le peux pas plus avec les autres constructeurs non plus soyons d’accord.

A propos de l'auteur

Portrait Miss280ch 350z

Raphaelle

Avoir des chromosomes XX n'empêche pas d'apprécier les voitures et les belles mécaniques, bien au contraire. Je pense même que cela permet d'apporter un regard différent sur le secteur automobile, sans pour autant devoir se limiter à commenter la palette des couleurs des citadines.

J'ai grandi baignée dans l'univers automobile, je me suis fait plaisir avec des sportives raisonnables, j'ai passé des heures voire des week-ends au sein de clubs automobiles. Depuis maintenant plus de 7 ans, j'édite seule le site Miss280ch. Entre coups de coeur et coups de gueule, je m'exprime souvent sans langue de bois, mais toujours avec humour et honnêteté.

Basée en Alsace, je profite de l'Autobahn illimité pour taquiner les VMax des voitures ou des Vosges pour tester les châssis ... ce terrain de jeu est parfait.

1 commentaire

  • Ne pas oublier aussi LE fait important dans le traitement de ce constructeur par les journalistes : Contrairement aux autres fabricants, Tesla ne paie aucune publicité dans les médias, donc ne finance aucun site Web, chaîne Youtube, émission TV ou magazine. Et ça ça pourrait aussi beaucoup influer, ne pensez-vous pas ?

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